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juliengautherot

Journal d'un apprenti-chamane #6 : Ethos (Porthos, et Aramis)


Certes, le jeu de mot est approximatif... mais l'idée véhiculée est pertinente (enfin, c'est vous qui me direz !) Je voulais dans cet article parler d'ethos.


Ethos, dans l'art de la rhétorique d'Aristote, est l'un des trois piliers nécessaires à une un bon orateur pour véhiculer une idée, faire passer un message. Les deux autres piliers sont Logos et Pathos (ce qui n'a donc strictement rien à voir avec les 3 mousquetaires cités dans le titre.)

Logos, c'est la logique, le contenu rationnel et factuel, démontrable, vérifiable, quantifiable... bref : ce qui est absolument incontestable dans le discours. Les anglo-saxons parlent de fact-based. Logos fait appel au cerveau, à l'analyse.

Pathos, ce sont les émotions, c'est faire appel aux tripes, au cœur. C'est susciter des émotions dans l'auditoire de sorte que que le message véhiculé le touche, l'émeuve... et le pousse à (ré)agir. Sans susciter d'émotions, le discours le plus irréfutable du monde ferait chou blanc. Enfin Ethos, c'est l'image d'ensemble, l'enveloppe, le support ; c'est paraitre crédible et faire impression d'autorité sur le sujet que l'on aborde. Quelque part, c'est se donner l'air de savoir de quoi on parle (et certains sont très fort à ce petit jeu, surtout dans le monde professionnel !) Et dans ce domaine, il y a une chose qui fait toujours son effet : la manière dont on est vêtu, le costume que l'on porte.


Et c'est de cela dont je vous parle aujourd'hui !


Car chez les humains, malgré ce que les proverbes et la morale tentent de nous dicter ("ne juge pas sur les apparences !") et alors que moi-même je n'aime pas non plus cette idée d'étiquette et de rentrer dans une case, il est évident que l'habit FAIT pourtant le moine. Un médecin, est en blouse. Un magistrat, en robe. Un pompier, en tenue ignifugée. Un prof de sport, en jogging. Un executive ou un politique, en costume. Un militaire, en uniforme. Et pour reboucler avec le jeu de mot vaseux du titre : un mousquetaire, c'est en casaque royale, plumet au chapeau et moustache fine de mignonnet.


Et bien c'est pareil pour les chamanes, et leurs apprentis. Il y a un habit à revêtir. Et cet habit n'est pas tant pour épater la galerie, entretenir un folklore touristique ou encore "faire autorité en la matière", que pour se protéger.


Car lorsque l'on est en connexion directe et rapprochée avec l'esprit qui nous guide, voire lorsque celui-ci descend et incorpore, il nécessite une protection puissante. Car pour lui qui est dans le subtil, les énergies de la Terre sont lourdes, denses et désagréables. Notre monde lui est agressif et inconfortable (notez qu'il l'est déjà pour les humains hypersensibles, alors imaginez pour ceux qui sont passés là-haut, à baigner dans la matrice d'amour !)


J'en ai déjà parlé dans les posts précédents, Cornes-de-renne mon esprit se prépare activement à cette descente (de même que moi je me prépare à le recevoir, je ne me suis jamais autant purifié). Car nous savons tous les deux que ce moment ne sera pas facile pour lui.


Et s'il m'a déjà enseigné un certain nombre de pratiques à avoir pour me "brancher" plus efficacement sur lui et nous protéger, il a aussi commencé à me faire préparer un costume, l'habit que je dois désormais revêtir lorsqu'il se rapproche de moi. Notre costume.


Ce qui est très étonnant, c'est la manière dont cela se passe: lorsque j'ai compris qu'il me faudrait coudre moi-même cet habit, le préparer, y mettre de mon coeur, de mon énergie et le charger de mes bonnes intentions, l'image du costume dans sa forme ultime m'est aussitôt apparue.


Pour commencer, il me fallait déjà une base, un habit-trame sur lequel coudre les protections ; et cet habit s'est imposé de lui-même : un kimono noir. "Et si possible, un kimono ayant déjà servi au combat." Allons bon !

Heureusement, Vint€d est ton ami ! Je l'ai trouvé, ce kimono. J'ai eu le coup de cœur pour une annonce d'emblée mais un détail me poussait à en chercher d'autres. En effet, le vendeur avait indiqué : "le kimono est couvert des poils de mon chat et je ne le laverais pas avant envoi"... voilà qui donne envie, non ? Mais quoi que je fasse, toutes les autres options ne fonctionnaient pas. Au final je me suis résolu à acheter ce kimono-plein-de-poils-de-chat. Et peut-être que finalement c'est bon signe, qu'un chat ait roupillé dessus pendant des heures !


Pour les éléments à coudre, j'en avais trouvé en Mongolie pendant le voyage. Bayaraa, la chamane du camp, m'avait donné des indications pour ces protections. Ces dernières sont en lien avec l'esprit des 4 animaux qui me guident : le serpent, le loup, l'ours et le mammouth. Bayaraa m'avait en outre fait deux cadeaux inestimables : un serpent en tissus et un grelot, tous deux arrachés de son propre habit pour me les offrir alors qu'elle-même était en transe avec son esprit, Papy Noir.


J'ai donc passé des heures et des jours à coudre patiemment tous ces éléments sur le kimono : tout d'abord, des serpents en tissus. Puis de longues franges en cuir épais et rigide, tout au bout des manches ; lorsque je porte ce costume, elles recouvrent et enveloppent mes mains et forment comme des griffes... des griffes d'ours.


Des grelots et autres éléments sonores, ensuite, car dans la tradition chamanique le bruit est un moyen efficace d'effrayer et dissuader les esprits ou énergies mal intentionnées. Et cela se comprend parfaitement : le bruit, le son, est une vibration. Comme tout ce qui nous entoure, comme nous même. Et si cette vibration aigüe nous est désagréable à l'oreille, elle l'est aussi de manière démultipliée, dans l'énergie.


Enfin, des franges de cuir souple au bas du kimono. Si spontanément elles m'ont fait penser à un habit de fan de Johnny sur la route 66, leur signification en revanche ne m'a laissé aucune place au doute : elles symbolisent des poils de mammouth, sa fourrure. Une fourrure épaisse et protectrice, qui tombe sous le ventre de l'animal et protège le bas de son corps.


J'avais ainsi intuitivement assemblé des protections relatives à 3 des 4 animaux totems qui me protègent et me guident. Il me manquait le loup.


Je savais déjà au fond de moi comment allait s'intégrer ce dernier, même si jusqu'au bout j'ai tenté de ne pas choisir cette solution. Car Hana Cornes-de-Renne me demandait une vraie peau de loup. Aïe.


Et dans le même registre, lorsque nous étions en Mongolie, l'esprit qui incorpore Bayaraa avait vu qui est mon esprit et comment il se présente, et m'avait conseillé de mettre de réelles cornes de cervidé sur mon autel, pour honorer pleinement Hi Hana Ktuk.


Avec le cuir de mes franges, cela commençait à faire beaucoup de matériaux d'origine animale... et je bloquais vraiment sur la peau de loup et les cornes de cervidé, car pour le coup il était nécessaire de passer par des animaux chassés pour me les procurer. Or ceux qui me connaissent savent bien mon aversion pour la chasse et les chasseurs...


Je me retrouvais donc dans un dilemme de conscience. Hana, quant à lui, se montrait patient mais... régulièrement, revenait sur le fait que ces éléments étaient importants pour lui. Et la raison qu'il invoquait était claire : pour ces deux animaux-là il fallait que ce ne soit pas QUE symbolique, mais que l'esprit de l'animal considéré soit réellement associé à notre entreprise.


Et cela ne se peut qu'en employant un objet ou un matériau qui soit directement issu d'un animal de cette espèce.


Ce n'est alors qu'après un travail sur moi que j'ai compris ce qui bloquait : ce qui était en désaccord ici n'était pas lié à mes valeurs, mais à mes croyances. Car si le respect de la vie et le fait d'éviter la souffrance inutile font bien partie de mes valeurs, j'ai compris que chasser un animal peut se faire selon cette éthique. Je bloquais car j'avais la croyance que "chasse = acte brutal et inutile."


Abolir cette croyance ne me donne pour autant pas un blanc seing pour faire n'importe quoi ni me constituer une collection de trophées. Mais elle me permet d'avancer en communion avec Hana, vers un objectif commun tourné vers le soin aux autres, tout en évoluant sur ma vision (encore souvent) manichéenne du monde.


Et de fait, lorsque je me suis mis en chasse (LOL !) pour trouver des cornes de cervidé d'abord, une peau de loup ensuite, j'ai été guidé vers des solutions qui se sont mises en place toutes seules. Ce qui est très étonnant, car trouver une peau de loup est LOIN d'être facile ! Mais la solution me vient du Canada. J'ai même été tellement guidé que je suis assisté dans les démarches à faire auprès des ministères canadiens et français pour autoriser l'exportation / importation d'une peau. "On" me préserve de toute la paperasserie administrative !! Cette peau est encore au Canada à la date où j'écris ce post, car les démarches prennent du temps ; cela fait 3 semaines qu'elles sont engagées, la moitié des papiers a déjà été réunie.


Cet habit, je l'utilise désormais quelques fois, pendant les méditations intenses avec Hana. Il m'est aussi arrivé de le sortir deux fois, lors de soins de dégagements particulièrement costauds. J'avais alors probablement besoin d'un surplus de protection.


C'est ainsi qu'à travers cette démarche avec Cornes-de-renne, et le fait de constituer notre habit, j'ai appris et évolué en révisant mes croyances :

  • l'habit est important, pour les autres (reconnaissance, autorité) comme pour Soi (légitimité, protection) et il contribue à poser un cadre,

  • la chasse peut être utile et conduite de façon éthique,

  • quand tu laisses la vie te guider, la destination est surprenante : aujourd'hui je me retrouve à mener une activité que je n'avais jamais imaginée avant, en portant parfois un habit qui tient plus du folklore tribal que de la norme occidentale, et en m'apprêtant à porter sur moi la fourrure d'un animal mort.


Et si je vous disais que mon nouveau mantra, depuis quelque temps, est le suivant :


"Ma vie est remplie de magie"


Merci de m'avoir lu !


Photo: zoom sur ce fameux habit !













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